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les petits maîtres ― à Eric Gans Vieilli, littéraire. Jeune élégant, jeune élégante aux allures et aux manières affectées et prétentieuses. Pluriel : des petits-maîtres, des petites-maîtresses. « Un opéra raisonnable, c’est un corbeau blanc, un bel esprit silencieux, un Normand sincère, un Gascon modeste, un procureur désintéressé, enfin un petit-maître constant et un musicien sobre. » — Antoine Houdar de la Motte, épigraphe au livret d’Alcyone, de Marin Marais, 1706. Le Petit-Maître corrigé, Une Comédie en trois actes, en prose, par Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, représentée pour la première fois le 6 novembre 1734 par les comédiens Français. Le Petit-maître philosophe ou Voyage et aventures de Genu Soalhat, chevalier de Mainvilliers, dans les principales cours de l’Europe, À la Mecque, Aux Dépens des Pelerins, 1751. « PETIT-MAÎTRE s.m. On appelle ainsi Un jeune homme de Cour, qui se distingue par un air avantageux, par un ton décisif, par des manières libres & étourdies. C’est un petit-maître. Il fait le petit-maître. « PETITE-MAÎTRESSE s.f. Il se dit d’Une femme qui affecte les manières d’un petit-maître. » — Dictionnaire de L’Académie française, 4me Édition, 1762, p. 77. « Nos petits-maîtres et nos petites-maîtresses s’y seraient ennuyés sans doute : ils prétendent être la bonne compagnie ; mais ni monsieur André ni moi ne soupons jamais avec cette bonne compagnie-là. » — François-Marie Arouet de Voltaire, L’Homme aux quarante écus. « Beaulard ! ne passons pas devant ce grand nom sans nous y arrêter un moment. Il est en ce temps le modiste sans pareil, le créateur, le poète qui mérite l’honneur de la dédicace du poème des Modes par ses mille inventions et ces délicieuses appellations de fanfioles, qu’on dirait apportées de Cythère par le chevalier de Mouhy ou Andréa de Nerciat : les rubans aux soupirs de Vénus, les diadèmes arc-en-ciel, le désespoir d’opale, l’instant, la conviction, la marque d’espoir, les garnitures à la composition honnête, à la grande réputation, au désir marqué, au plaintes indifférentes, à la préférence, au doux sourire, à l’agitation, et l’étoffe soupirs étouffés garnie en regrets inutiles, sans compter toutes les nuances combinées, disposées, imaginées par son goût, sortant de cette boutique assiégée d’où partent les couleurs qu’il faut porter, la couleur vive bergère, la couleur cuisse de nymphe émue, la couleur entrailles de petit-maître ! » — Charles-Simon Favart, Les Modes. — Les Numéros, troisième partie. — La Matinée, la Soirée, et la Nuit des boulevards ; Chez Jean Mossy, Marseille, 1777. Ambigu de scènes épisodiques mélé de chants et de danses, représenté devant leurs majestés le 11 octobre 1776. Cité dans La Femme au dix-huitième siècle, par Edmond et Jules de Goncourt, nouvelle édition, revue et augmentée, Charpentier 1877, chapitre viii. « Le dandy britannique est au-dessus du fashionable. Ce dernier suit la mode, le premier la crée ou la brave ; le fashionable pénètre tout au plus aux bals d’Almark, et dans quelques routs de l’aristocratie ; le dandy y donne le ton, et a sa place partout, jusque sur les sièges du parlement. Les dandies anglais réclament comme un des leurs le célèbre poète Byron, dont les bizarreries un peu affectées lui donnaient quelques droits à ce titre ; le héros de son poème original, Don Juan, est aussi, dans plus d’un passage, le représentant du dandysme de Londres. — Le dandy français ne s’est pas encore élevé à la hauteur de ses modèles ; sa physionomie est moins tranchée, moins spéciale ; c’est souvent, sous un autre nom, le petit-maître de nos aïeux, l’élégant du dernier siècle, l’incroyable d’une époque plus récente. Le dandy ne doit point se borner à ces imitations ; et s’il ne peut trouver en lui-même tout ce que promet cette désignation ambitieuse, nous lui conseillons d’aller dans la Grande-Bretagne étudier les oracles et les lois du dandysme. » — Article « Dandy », dans : M.W. Duckett (dir.), Dictionnaire de la conversation et de la lecture, inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous, par une société de savants et de gens de lettres, Tome XIX. Paris, Belin-Mandar, 1835, p. 90. « Minoret, plein de faiblesse pour son Ursule, à laquelle il ne refusait rien et qui avait mené la vie d’une petite-maîtresse, se trouva presque pauvre après l’avoir perdue. » — Honoré de Balzac, Ursule Mirouët, 1841, p. 22. « Cet homme semblait avoir toute la politesse importune, tout le bavardage fatigant d’un petit-maître français de la vieille école. » — Gérard de Nerval, Nouvelles et fantaisies, 1855, p. 39.
« Les petits maîtres du temps de la Révolution, les Bailly, les Fragonard, les Carle Vernet, les Debucourt le charmaient. » — Charles Asselineau, Charles Baudelaire, Sa Vie et son Œuvre, 1869. Jean-Honoré Fragonard Jeune fille faisant danser son chien sur son lit, dit à tort La Gimblette, vers 1770-1775 Huile sur toile - 89 x 70 cm Munich, Alte Pinakothek « maître (mê-tr’), s.m. ♦ 1o Celui qui commande soit de droit soit de fait. […] ♦ 23o Petits-maîtres, nom qui fut donné, durant la Fronde, aux membres d’un parti à la tête duquel se placèrent Condé, le prince de Conti et le duc de Longueville. « On avait appelé la cabale du duc de Beaufort, au commencement, celle des importants ; on appelait celle de Condé le parti des petits-maîtres, qu’on applique aujourd’hui à la jeunesse avantageuse et mal élevée. », Volt. Louis XIV, 4. ♦ Voici l’explication que Mme de Motteville donne de cette dénomination. « Quand il [le prince de Condé] venait chez la reine, il remplissait sa chambre des personnes du royaume les plus qualifiées ; ses favoris, qui étaient la plupart des jeunes seigneurs qui l’avaient suivi dans l’armée, et participant à sa grandeur comme ils avaient eu part à la gloire qu’il y avait acquise, avaient été appelés les petits-maîtres parce qu’ils étaient à celui qui le paraissait être de tous les autres », Mém., p. 111. ♦ Fig. et familièrement. Petit-maître, jeune homme qui a de la recherche dans sa parure, et un ton avantageux avec les femmes. « Mais ce siècle peu raffiné N’avait pas encor vu paraître Un être insolent et borné Que l’on appelle petit-maître ; Le premier fat de l’univers Fut le fils du roi de Pergame », Bernis, Épît. 8. « Je n’avais vu que des acteurs récitant des vers à d’autres acteurs, dans un petit cercle entouré de petits-maîtres », Volt. Lett. Villette, 1er sept. 1765. ♦ Fig. « On tourne tout en ridicule, tout le monde est petit-maître aujourd’hui, et c’est le bon air de mépriser les bonnes choses à mesure qu’elles sont meilleures », d’Argenson, Mém. t. I, p. 101. — Émile Littré, Dictionnaire de la Langue française, 1863-1877. « Ici, laissant de côté un certain nombre de séries, je vais droit aux livres sur les mœurs. « Tout d’abord les ouvrages sérieux comme le livre de Toussaint, intitulé : LES MŒURS, 1768, ou comme : « L’ÉCOLE DE L’HOMME, ou Parallèle des portraits du siècle et des tableaux de l’Écriture sainte, 1752 », une espèce de La Bruyère très inconnu du dix-huitième siècle, et qui a, en tête de sa première partie, une clef de ses portraits. « A la suite de ces deux traités dogmatiques, les ouvrages suivants : « LES MŒURS DE PARIS, par M.L.P.Y.E. Amsterdam, 1747 » ; « le TABLEAU DU SIÈCLE, par un auteur connu. Genève, 1759 » ; « ESSAI SUR LE CARACTÈRE et les mœurs des François comparées à celles des Anglois. Londres, 1776. » « Puis les petits livres, où la peinture des mœurs est relevée d’une forte pointe d’ironie, petits livres un peu trop méprisés de notre siècle, et qui contiennent cependant pas mal de l’alerte et vif esprit français du temps : «l’Apologie de la frivolité, 1750 » ; « les Ridicules du siècle, 1752 » ; « le Livre à la mode, 1760 », et les autres livres de Carraccioli ; « la Berlue, 1760 » ; « l’Inoculation du bon sens, 1761 » ; « la Philosophie à la grecque, 1772 » ; le Livre à la mode, dont son auteur, le chevalier des Essarts, fait ce piquant portrait de l’officier petit-maître : « Un simple uniforme de drap propre, de grosses bottes soutenues par un talon de trois bons pouces, des éperons aussi clairs que la garde de l’épée, une chemise à manchettes unies, un chapeau retapé à la militaire, les cheveux en queue et une simple boucle ; ajoutez à tout cela un col noir, et une épée dont la lame est de défense. Est-ce là l’habillement, la façon de se mettre d’un officier ? Eh fi ! on a l’air trop soldat. Un officier petit-maître a bien plus de goût. Il lui faut autant de papillotes qu’il a de cheveux, une bourse à la françoise, ou au moins une petite queue ensevelie dans trois livres de poudre appliquées avec art, des manchettes à dentelles, des bas de soye, des souliers à talon rouge et surtout une épée à la françoise ; le chapeau.… ! cet article m’embarrasse un peu… ce n’est pas un chapeau, il n’en a pas la forme ; ce n’est pas un bonnet, il n’en a pas la matière ; c’est un zest, un soupçon, une idée, un rien fait en forme de ce je ne sais quoi sur lequel est attaché trois petits morceaux de plumet, et on porte sous le bras cette singulière invention. » « Mais parmi tous ces livres et bien d’autres encore, les deux chefs-d’œuvre du genre sont : LE PAPILLOTAGE, 1767, et la BIBLIOTHÈQUE DES PETITS-MAÎTRES, ou Mémoires pour servir à l’histoire du bon ton et de l’extrêmement bonne compagnie. Au Palais-Royal, chez la petite Lolo, marchande de galanteries, à la Frivolité, 1762. « Dans cet ordre d’écrits au persiflage quintessencié, au joli babil littéraire, tout plein de tours et de voltes de phrases, exécutés avec une prestesse singulière, un abbé, l’abbé Coyer, a écrit un livre qui mérite sa place parmi les plus délicates et les plus incisives ironies : ce sont les BAGATELLES MORALES, et je ne connais rien, dans notre langue, d’une impertinence de style plus grand seigneur, que sa « Lettre à une dame anglaise » qui, dans l’édition originale publiée séparément, porte le titre : Lettre à une jeune dame nouvellement mariée. « Vient le tour des petits croquis satiriques d’une maladie du jour, d’un éphémère goût de la nation, de n’importe quoi enfin, d’un jeu à la mode aussi bien que d’un jubilé, et aussi bien d’un jubilé que de l’approche d’une comète. Les vapeurs sont prises à partie dans la PHILOSOPHIE DES VAPEURS, 1774, qui se raille agréablement de la sensibilité vaporeuse, née dans ce siècle de philosophie et de santé délabrée, où la Faculté vient de mettre un fort de la Halle au bouillon de poulet et à l’eau de tilleul. L’anglomanie de nos pères est moquée dans le PRÉSERVATIF CONTRE L’ANGLOMANIE, 1757, où l’auteur, après avoir plaisanté un moment, déclare que nos draps sont de meilleur user et plus maniables que les draps anglais, et établit la supériorité de nos teintures, de nos glaces, de notre argenterie, auprès de laquelle l’argenterie anglaise n’offre que des morceaux vilainement et archaïquement filigranés. » — Edmond de Goncourt, La Maison d’un artiste, Charpentier, 1881, t. II, p. 9. « En effet, il y a chez Mallarmé une maîtrise prodigieuse de la construction, du mètre, du vers. Mais ce vers se situe encore dans la tradition de son temps, après Hugo et Baudelaire. Je ne me bats pas contre le fait qu’on sache rimer merveilleusement : c’est le cas de Mallarmé, qui est un grand maître, mais aussi un petit maître. Si l’on prend ses très amusants petits textes en vers, adresses qu’il faisait à ses amis, ou ses vers de circonstance, on constate qu’il se sert du langage comme un petit maître, dans un style maniériste. Mais, tout à coup il échappe à ce goût de la lorgnette et c’est le grand télescope. Il se situe sur deux plans : celui de l’homme qui joue avec les mots, pour le plaisir et celui plus sérieux, de l’homme qui écrit aussi sur la mode, sur toutes sortes de sujets, parce qu’il est très attentif à son époque. » — Radio France Internationale, entrevue avec Charles Dobzynski, rédacteur en chef de la revue EUROPE, Octobre 1998. (Nota bene : Après avoir entendu Carlo Ginzburg analyser le sujet titulaire, Michael lui a donné ses éditions de poche de Charles Cros et Tristan Corbière, les remplaçant avec un véritable volume de Pléiade ; ce qui a évidemment mis en question leur désignation en tant que tels. Quant à lui-même, il se façonne, par préférence, en maître mineur, toujours en proie de la vieille taupe.) |
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